Une étude met en lumière les réseaux cérébraux impliqués dans les ruminations mentales chez les jeunes adultes.

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Santé mentale : une étude décrypte les ruminations chez les jeunes

Une étude de l’Inserm met pour la première fois en lumière les réseaux cérébraux impliqués dans les ruminations mentales chez les jeunes adultes. Cette recherche établit un lien avec certains symptômes psychiatriques à l’âge adulte. Des données essentielles qui ouvrent de nouvelles perspectives en matière de prévention de la santé mentale.

À l’heure où la santé mentale vient d’être érigée comme Grande cause nationale 2025, une étude menée par des chercheurs de l’équipe Trajectoires développementales en psychiatrie, de l’Inserm/École normale supérieure Paris-Saclay s’est intéressée à ce qu’il se passe dans le cerveau des 18-22 ans lors de ruminations mentales.

Trois types de ruminations mentales identifiées

Les ruminations mentales se caractérisent par des pensées répétitives qui tournent dans notre esprit. Elles sont particulièrement fréquentes chez les jeunes. Elles sont liées au stress que représente la période de transition entre l’adolescence et l’âge adulte.

La science distingue trois principaux types de ruminations. Il y a d’abord les ruminations « réflexives ». Ce sont des pensées utiles, dans le sens où elles tendent à chercher une solution à un problème. Les ruminations « soucieuses » interviennent quant à elles lors d’un dilemme (soucis professionnels, difficultés financières, etc.). L’individu rencontre ici des difficultés à prendre du recul. Enfin, les ruminations dites « dépressives » sont souvent marquées par des pensées sombres sur la situation vécue mais aussi sur l’avenir.

Loin d’être anodines, ces ruminations peuvent avoir des implications profondes sur la santé mentale des jeunes adultes. Elles sont le plus souvent associées à des états psychologiques tels que l’anxiété, la dépression et même les addictions.

Décrypter les mécanismes cérébraux

Pour explorer ces phénomènes et mieux les comprendre, l’équipe de chercheurs a analysé les données de 595 jeunes issus de la cohorte européenne Imagen, qui suit leur santé mentale.

Les scientifiques ont observé l’activité cérébrale des participants âgés de 18 ans, grâce à des imageries par résonance magnétique (IRM) fonctionnelles passées au repos. « Lors de cet examen, les sujets n’avaient aucune consigne et étaient laissés libres de leurs pensées, explique Jean-Luc Martinot, chercheur principal. De sorte que les profils « ruminateurs » se sont laissés aller à leurs ruminations. »

Les participants ont ensuite dû répondre à des questionnaires sur la nature et la fréquence de ces dernières. En combinant les résultats, l’équipe a réussi à établir des liens entre différents types de ruminations et des réseaux cérébraux spécifiques. En effet, les ruminations « soucieuses » n’engagent pas les mêmes zones du cerveau que les ruminations « dépressives ».

Quelles évolutions à l’âge adulte ?

Pour mieux comprendre comment ces ruminations évoluent, les mêmes participants ont été réévalués à l’âge de 22 ans. Les résultats montrent un changement notable. La fréquence des ruminations « soucieuses » a diminué, laissant davantage la place aux ruminations « réflexives », considérées comme plus constructives. Ce changement « suggère qu’entre 18 et 22 ans, période de transition vers l’adulte, ils et elles ont acquis une meilleure capacité d’adaptation aux émotions négatives et une meilleure aptitude à la prise de décision », analyse Jean-Luc Martinot.

L’étude établit par ailleurs un lien entre l’évolution des ruminations mentales et l’évolution de symptômes psychiatriques à l’âge adulte. Les chercheurs ont en effet remarqué que lors de ruminations « soucieuses », le mécanisme cérébral était également associé à des symptômes « internalisés » (anxiété, nervosité, retrait, etc.). Même chose en ce qui concerne les ruminations « dépressives », où l’activité du réseau est cette fois-ci liée à des symptômes « extériorisés » (agitation, irritabilité, recours aux passages à l’acte, à des substances, etc.).

Optimiser la prévention chez les jeunes

En mettant en lumière le lien entre ruminations et symptômes psychiatriques, cette étude inédite ouvre des perspectives intéressantes pour la santé mentale des jeunes.

Alors que celle-ci continue à se dégrader (lire notre article), « ces données pourraient contribuer au développement des approches préventives chez les jeunes adultes », envisage Jean-Luc Martinot.

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Le Fil santé jeunes, une plateforme à l’écoute des 12-25 ans

Le Fil santé jeunes est un dispositif de prévention qui s’adresse aux jeunes de 12 à 25 ans. Il propose une ligne d’écoute au 08 00 23 52 36. Celle-ci est anonyme, gratuit et disponible tous les jours de 9 heures à 23 heures. On y retrouve des informations sur différents sujets (la sexualité, la contraception, la violence, les drogues, l’amitié, l’école, la famille…). Il est également possible d’envoyer un message en ligne via les forums et un chat (ouvert jusqu’à 22 heures). Psychologues, médecins ou même des juristes apportent une réponse adaptée ou guident les jeunes vers les services appropriés.