Stress post-traumatique : la plasticité cérébrale permet de le surmonter
Une nouvelle étude révèle que la résilience aux traumatismes repose sur des mécanismes cérébraux adaptatifs. Une découverte qui pourrait permettre de mieux prendre en charge le stress post-traumatique.
Comment le cerveau réagit-il après une expérience traumatisante ? Et pourquoi certaines personnes développent-elles un trouble du stress post-traumatique (TSPT) et d’autres pas ? C’est à ces questions que l’étude Remember, dont l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est promoteur, a essayé de répondre.
Une recherche auprès des victimes du 13 novembre
Celle-ci s’est notamment intéressée aux victimes des attentats de Paris et de Saint-Denis, du 13 novembre 2015 et aux mécanismes cérébraux liés au stress post-traumatique. Au total, 100 victimes ont été suivies, dont 34 souffraient de TSPT chroniques et 19 s’en étaient remises. Un groupe de 72 personnes non exposées à ces événements a également servi de contrôle. L’ensemble des participants ont accepté de passer deux séries d’imagerie cérébrale et ont répondu à un questionnaire. Les résultats, publiés dans la revue Science Advances, mettent en lumière le rôle central de la plasticité cérébrale dans la réduction des symptômes du TSPT.
Un stress post-traumatique envahissant
Le stress post-traumatique est un trouble psychiatrique qui survient après un événement choquant, dangereux ou effrayant. Les victimes, comme les témoins, peuvent en être affectés. « Parmi les symptômes les plus caractéristiques du TSPT, l’intrusion fréquente du souvenir des images, des odeurs et des sensations associées au traumatisme vécu, indique l’Inserm. Ces mémoires intrusives, qui arrivent souvent sans crier gare et bouleversent la vie quotidienne, sont source de grande détresse. »
Des travaux antérieurs de l’équipe Remember avaient déjà révélé un dysfonctionnement des mécanismes cérébraux de contrôle de la mémoire chez les personnes qui souffrent de stress post-traumatique. Ces mécanismes, censés inhiber l’activité de l’hippocampe, région clé pour la mémoire, sont souvent altérés chez ces individus. Cela a donc pour effet de faciliter la résurgence de souvenirs intrusifs.
Une reconfiguration cérébrale porteuse d’espoir
L’étude récente va plus loin en démontrant que l’altération des mécanismes de contrôle n’est pas immuable. Les chercheurs ont découvert que, chez les personnes ayant surmonté leur TSPT, les circuits cérébraux se réorganisent pour retrouver un fonctionnement normal.
L’imagerie montre, en effet, qu’avec le temps, les régions préfrontales deviennent plus efficaces dans leur rôle d’inhibition de l’hippocampe. Elles empêchent ainsi les souvenirs intrusifs de prendre le dessus. Cette normalisation entraîne également une stabilisation de la structure de l’hippocampe et une réduction des symptômes cliniques.
Une plasticité qui évolue avec le temps
Toutefois, même chez les personnes souffrant encore de TSPT chronique, l’imagerie a permis d’observer un début de plasticité cérébrale. Les chercheurs considèrent que ces premiers signes d’adaptation prédisent une diminution future des symptômes.
Cette découverte renforce l’idée que le cerveau peut évoluer avec le temps, même face à des traumatismes graves. « Notre étude permet de montrer que rien n’est inscrit dans le marbre, constate Giovanni Leone, premier auteur de l’étude. La résilience humaine aux traumatismes est caractérisée par la plasticité des circuits de contrôle de la mémoire, notamment ceux qui régulent l’activité de l’hippocampe et la résurgence des souvenirs intrusifs. Elle souligne également que l’altération des mécanismes de contrôle, que nous avions identifiés lors de notre précédente étude comme centraux pour comprendre la variation dans la réponse au trauma, est bien plus probablement la cause que la conséquence du TSPT ».
Vers de nouvelles approches thérapeutiques
Ces résultats ouvrent dorénavant la voie à de nouveaux traitements du stress post-traumatique. « On pourrait imaginer de nouvelles thérapies, complémentaires à celles qui sont déjà utilisées, pour venir stimuler les mécanismes de contrôle de la mémoire, et encourager la plasticité, estime le chercheur Pierre Gagnepain, qui a dirigé l’étude. L’avantage de cette approche serait d’agir sur les réseaux cérébraux sans agir sur le système émotionnel et sans faire revivre les émotions traumatiques au patient. » Actuellement, le TSPT est notamment traité grâce à l’EMDR, pour Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Cette technique nécessite que le patient se concentre sur son souvenir traumatique (pour en savoir plus, lire notre dossier).
L’équipe de chercheur va poursuivre ses travaux. Une piste prometteuse concerne un récepteur cérébral, le « GABA alpha 5 », situé dans l’hippocampe. Il pourrait jouer un rôle dans l’oubli des souvenirs intrusifs et, ainsi, constituer une cible potentielle pour de futures thérapeutiques.
© CIEM / Léa Vandeputte