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L’inflammation, une arme à double tranchant

Quel est le point commun entre une brûlure, un bouton d’acné, l’obésité, un cancer et une appendicite ? Ces événements font tous intervenir un même mécanisme : l’inflammation. Cette réaction normale du système immunitaire s’enclenche dans notre corps pour parer à une agression, externe ou interne. Mais parfois, l’inflammation se dérègle et fait plus de mal que de bien.

L’inflammation est un processus immunitaire naturel du corps. Il s’agit d’une réaction protectrice, visant à éliminer les agents pathogènes et à favoriser la cicatrisation des tissus endommagés. Concrètement, lorsqu’une menace est détectée – qu’elle soit d’origine infectieuse, physique ou même endogène – les cellules immunitaires sont activées pour déployer des mécanismes visant à isoler et à détruire les éléments nuisibles. Cette réponse immunitaire a donc un rôle essentiel pour maintenir l’intégrité des tissus.
L’inflammation peut avoir deux types de causes. Les causes externes, comme des blessures, piqûres, traumatismes ou brûlures, mais aussi des bactéries ou champignons, provoquent une réaction inflammatoire pour enclencher le processus de réparation des tissus endommagés et prévenir les infections potentielles. Mais elle peut aussi être déclenchée par des causes internes, comme les cellules cancéreuses ou des réactions auto-immunes. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une réponse inappropriée du système immunitaire où celui-ci attaque les propres cellules du corps.

Reconnaître une inflammation

Les manifestations de l’inflammation sont bien connues et caractéristiques, notamment les « quatre signes cardinaux » identifiés depuis l’Antiquité :

  • rougeur (due à la dilatation des vaisseaux sanguins) ;
  • douleur (résultant de la libération de certaines substances par les cellules immunitaires) ;
  • chaleur (liée à l’augmentation du flux sanguin dans la zone) ;
  • gonflement (causé par une accumulation de liquides et de cellules immunitaires).

Ainsi, lorsqu’un stimulus inflammatoire est détecté, la réaction est immédiate. Les vaisseaux sanguins se dilatent, permettant un afflux rapide de cellules immunitaires sur le site. Les cellules détruisent les agents pathogènes et enclenchent la réparation tissulaire. Cette phase est essentielle pour nettoyer la zone et limiter les dégâts.

Quand l’inflammation devient problématique

Mais parfois, le stimulus persiste et l’inflammation ne ralentit pas, jusqu’à créer un déséquilibre des mécanismes de défense du corps. Le stress, une mauvaise alimentation, la surcharge pondérale, la pollution ou un mode de vie sédentaire sont autant de facteurs qui favorisent ce déséquilibre. L’inflammation peut alors devenir chronique et altérer les tissus sains environnants.
Il faut savoir que, dans son processus, l’inflammation stimule la production de radicaux libres, des molécules d’oxygène très réactives qui s’attaquent à nos cellules. Agressives, elles entraînent un stress oxydatif qui peut devenir nocif, s’attaquer aux cellules saines et même accélèrer leur vieillissement. « Inflammation et stress oxydatif, c’est le couple diabolique », explique le docteur Marc Dellière, médecin généraliste et nutritionniste. « C’est à la base de toutes les maladies. Dès qu’il y a une maladie, on a de l’inflammation et du stress oxydatif. Dès qu’on a une inflammation, ça déclenche du stress oxydatif et dès qu’il y a du stress oxydatif, ça déclenche une inflammation ! Donc ce couple est toujours là. Et il peut devenir toxique quand il se prolonge ». Une inflammation prolongée par un mauvais mode de vie augmente ainsi le risque de dysfonctionnement des organes et de maladies chroniques.

Ces maladies liées à l’inflammation

Ces dernières années, il a été découvert que de nombreuses maladies graves trouvent leur origine dans des processus inflammatoires chroniques, souvent invisibles mais destructeurs. « L’inflammation chronique va entraîner toute une série de dégâts un peu partout dans le corps », résume le médecin. Le diabète de type 2, par exemple, débute par une inflammation des tissus adipeux. Un excès de graisse active des cytokines inflammatoires, perturbant la régulation de l’insuline. 
L’arthrite est aussi une maladie inflammatoire : le système immunitaire s’attaque aux tissus des articulations, provoquant des douleurs et des déformations à cause d’une inflammation persistante. C’est également le cas des maladies cardiovasculaires : elles résultent de l’accumulation de cholestérol qui déclenche une réaction inflammatoire dans les artères, accélérant la formation de plaques et augmentant le risque de crise cardiaque.
Mais l’inflammation se retrouve aussi dans des maladies plus inattendues. « Aujourd’hui, on a fait le lien entre trouble neuro-inflammatoire et troubles psychiques. On sait que des niveaux élevés de protéines inflammatoires affectent les neurotransmetteurs et l’humeur, orientant vers une dépression », indique le docteur Dellière. Autre exemple, l’endométriose crée et se nourrit de l’inflammation. Elle se caractérise par une inflammation chronique due à la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus. Et plus l’inflammation augmente, plus les douleurs sont sévères et la maladie progresse.
Lorsque l’inflammation devient persistante, elle perturbe le fonctionnement du système immunitaire, le rendant moins efficace pour se défendre contre les agents pathogènes. En effet, elle entraîne une activation continue des cellules immunitaires, ce qui peut épuiser leurs ressources et diminuer leur capacité à protéger l’organisme. Dans ce contexte, les cellules immunitaires peuvent aussi être déréglées, attaquant parfois les cellules saines du corps et augmentant le risque de développer des maladies auto-immunes comme le lupus ou la sclérose en plaques. L’inflammation chronique a un autre effet dévastateur : le développement du cancer. En effet, l’association entre inflammation chronique et cette maladie est désormais bien documentée. L’inflammation crée un environnement propice aux cellules tumorales : elle génère des radicaux libres qui endommagent l’ADN, favorise la multiplication cellulaire et l’angiogenèse (soit la formation de nouveaux vaisseaux), permettant aux tumeurs de se nourrir et de croître. Ainsi, une maladie inflammatoire comme la colite ulcéreuse augmente le risque de cancer colorectal. La recherche se concentre sur le développement de traitements anti-inflammatoires pour limiter ce risque, sans pour autant affaiblir le système immunitaire.

Prévenir l’inflammation, c’est possible

Adopter un mode de vie équilibré est la clé pour réduire le risque de développer une inflammation chronique. Cela va passer par plusieurs points importants : « Le trio indispensable, c’est exercice physique, sommeil suffisant, et alimentation équilibrée », nous explique l’expert. En effet, une alimentation variée, riche en fruits, légumes et acides gras oméga-3, réduit la production de certaines molécules pro-inflammatoires dans l’organisme, comme les cytokines et les eicosanoïdes (voir ci-contre). Une activité physique quotidienne est également essentielle pour prévenir l’inflammation. 
« Essayer de marcher 10 000 pas par jour ou de faire 30 minutes d’exercice quotidien est fondamental pour lutter contre le stress et l’inflammation ».
Enfin, il a été prouvé que la privation de sommeil quotidienne (6 heures ou moins par nuit) entraînait une augmentation des hormones inflammatoires. Cela s’explique par le fait que, durant le sommeil profond, l’organisme libère des hormones anti-inflammatoires et répare les tissus. Dormir suffisamment limite donc la production de cytokines pro-inflammatoires, les molécules déclenchant l’inflammation. « La plupart des gens ne dorment pas assez, mais dormir sept heures par nuit est indispensable. L’aspect relaxation n’est pas à négliger, par exemple en faisant de la méditation ou des exercices de respiration. Cela permet de réduire la production de cortisol, une hormone liée à l’inflammation », conseille le médecin. 

Anti-inflammatoires non stéroïdiens : les précautions à prendre

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont largement utilisés pour soulager douleurs et inflammations. Cependant, « ils comportent des risques qui nécessitent des précautions, et peuvent entraîner des effets secondaires, notamment gastriques », selon le docteur Dellière. Ces médicaments, comme l’ibuprofène ou le naproxène, peuvent irriter la paroi de l’estomac, augmentant le risque d’ulcères et de saignements gastro-intestinaux. C’est pourquoi il est important de suivre les recommandations de la notice, notamment sur le temps entre deux prises, mais aussi de les avaler avec un verre d’eau et pendant un repas pour éviter que le médicament adhère à la paroi de l’œsophage. De plus, en cas de prise prolongée ou à forte dose, les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent provoquer des problèmes rénaux et augmenter le risque d’hypertension et d’accidents cardiovasculaires. Pour minimiser ces risques, il est essentiel de respecter la posologie et la durée indiquées par un professionnel de santé et de ne jamais combiner plusieurs types d’anti-inflammatoires différents. Les personnes ayant des antécédents de troubles digestifs, cardiovasculaires ou rénaux devraient consulter un médecin avant de les utiliser.

Qu’est-ce qu’une alimentation anti-inflammatoire ?

« Agir sur l’inflammation via l’alimentation est totalement possible », assure le docteur Dellière. Elle va de pair avec l’alimentation antioxydante et permet de réduire les processus inflammatoires chroniques dans l’organisme. Elle repose sur des aliments riches en fibres et en antioxydants, qui réduisent la production de molécules pro-inflammatoires. « Il faut veiller à un apport en acides gras oméga-3 quotidien », indique le nutritionniste. Ceux-ci sont présents dans les poissons gras (saumon, sardine, maquereau), les noix et les graines de lin. Le médecin, lui, conseille deux cuillères à soupe d’huile de Colza ou une d’huile de Cameline, dont la teneur en oméga-3 est deux fois plus dosée. « Quand on arrive à la soixantaine, ce n’est parfois plus suffisant, il faut donc veiller à apporter plus avec des poissons gras, en favorisant les petits poissons, par exemple une boîte de sardines ou de maquereau par semaine ». Sachez qu’il est possible de faire un dosage du ratio en oméga-3 et en oméga-6 via une prise de sang. « Il ne faut pas non plus oublier, pour baisser le stress oxydatif, de manger cinq à huit portions de fruits et légumes par jour », rappelle-t-il. Les fruits et les légumes colorés, comme les baies, les agrumes, les épinards et les brocolis, mais aussi des épices comme le curcuma et le gingembre sont riches en antioxydants, qui combattent les radicaux libres. Enfin, les céréales complètes (avoine, riz brun, quinoa) et les légumineuses ne doivent pas être laissées de côté, puisqu’elles ont une haute teneur en fibres, contribuant à une bonne santé intestinale, un facteur important dans la régulation de l’inflammation. Mais adopter une alimentation anti-inflammatoire, c’est aussi limiter certains aliments : les sucres ajoutés, les aliments ultra-transformés, les graisses saturées (présentes dans les viandes rouges et produits industriels). Ceux-ci sont connus pour accentuer l’inflammation.

Dossier rédigé par Justine Ferrari