Une enquête révèle un changement dans la manière dont les jeunes perçoivent et vivent leur sexualité et les normes de genre.

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Genre et sexualité : comment les jeunes s’identifient-ils ?

Une enquête révèle une augmentation significative du nombre de jeunes se définissant comme homosexuels ou bisexuels. Cette évolution traduit un changement dans la manière dont ils perçoivent et vivent leur sexualité, remettant en question les normes traditionnelles de genre et d’hétérosexualité.

L’Institut national d’études démographiques (Ined) vient de publier un nouveau volet de son enquête sur la vie affective des jeunes adultes (Envie, lire notre article). Il s’intéresse, cette fois-ci, à leur identification aux catégorisations concernant la sexualité ou le genre.

Réalisée en 2023, Envie repose sur un échantillon représentatif de plus de 10 000 Français âgés de 18 à 29 ans. « Il s’agit de la première enquête démographique en France entièrement dédiée aux relations intimes des jeunes adultes », indique l’Ined.

Une augmentation inédite des identifications bi et pansexuelles

Premier enseignement : le nombre de jeunes de 20-29 ans qui s’identifient comme bisexuels ou pansexuels a été multiplié par six, entre 2015 et 2023. « La bisexualité désigne une attirance pour les personnes des deux sexes, tandis que la pansexualité implique une attirance pour des personnes quel que soit leur genre », précise l’institut.

Au total, 14 % des femmes et 4 % des hommes de cette tranche d’âge se déclarent comme tels. « Cette augmentation traduit une évolution des perceptions et une plus grande reconnaissance sociale de la diversité sexuelle », constate l’Ined. Dans le pays, « les minorités sexuelles sont aujourd’hui plus visibles et davantage reconnues socialement », ajoute-t-il.

Les jeunes femmes à l’avant-garde

Les femmes jouent un rôle central dans cette transformation. « Leur identification à l’hétérosexualité a reculé de manière significative », note l’institut. Parmi les 20-29 ans, la proportion de jeunes femmes qui ne se disent pas hétérosexuelles a été multipliée par cinq. À titre de comparaison, celle des hommes a, quant à elle, été multipliée par quatre.

Cette évolution est en partie attribuée à la remise en question des rapports de genre. Celle-ci a notamment été amplifiée par le mouvement #MeToo, qui a dénoncé les violences sexuelles et questionné la norme hétérosexuelle.

Par ailleurs, 37 % des femmes déclarent avoir déjà eu, au cours de leur vie, une attirance pour les deux sexes, révèle l’enquête. Cette proportion parmi les hommes s’élève à 18 %.

Personnes non binaires : quelle sexualité ?

Les personnes non binaires –qui ne s’identifient ni comme homme, ni comme femme – représentent 1,7 % des 18-29 ans. Elles se distinguent par une forte identification pansexuelle (38,5 %) et bisexuelle (21,5 %). De plus, elles s’éloignent de manière plus prononcée de l’hétérosexualité (seulement 14,7 % s’y identifient).

Les personnes non binaires se définissent à 12,7 % comme asexuelles. Cela signifie qu’elles ne ressentent pas de désir sexuel envers autrui. Elles sont, 15,6 % à déclarer ne pas avoir d’attirance sexuelle, et 30 % ne jamais avoir eu de pratiques sexuelles. « Si cela s’explique pour partie par leur jeunesse, les attirances et les identifications traduisent aussi une mise à distance de la place centrale donnée à la sexualité dans les relations », indique l’Ined.

Une mutation durable du genre et de la sexualité ?

Toutefois, la jeunesse n’est pas homogène. La norme hétérosexuelle reste majoritaire, même si une fraction non négligeable la remet en question. « Ce questionnement porte sur la sexualité mais aussi sur le genre, comme catégorie binaire ou grille de lecture dominante des choix sexuels et conjugaux, constatent les auteurs de l’étude. Il ne s’agit pas seulement d’un élargissement de l’espace des possibles sexuels à d’autres formes relationnelles et à d’autres partenaires, mais d’une remise en cause de son fonctionnement hétéronormatif. »

Enfin, la question de la pérennité de ces évolutions reste ouverte. « Plusieurs éléments suggèrent une mutation profonde comme l’ampleur de l’augmentation des identifications non hétérosexuelles entre 2015 et 2023 et leur diffusion au sein de différentes catégories de population », estime l’Ined. Mais les jeunes d’aujourd’hui pourraient aussi voir leurs identifications de genre et de sexualité évoluer avec l’âge.