Le 17 janvier 1975, la France adopte la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), portée par la ministre de la Santé de l’époque, Simone Veil. Retour sur cinquante ans de combat en faveur du droit à l’avortement en France.

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IVG : la loi Veil a 50 ans

Le 17 janvier 1975, la France adopte la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), portée par la ministre de la Santé de l’époque, Simone Veil. Retour sur cinquante ans du droit à l’avortement en France.

En France, le droit à l’avortement s’est construit au fil des années. Il est le fruit d’engagements forts et de débats sociaux intenses qui ont permis aux femmes d’accéder au droit à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité.

L’inscription de l’IVG dans la loi

La loi autorisant l’IVG, dite loi « Veil » est promulguée le 17 janvier 1975. Elle permet aux femmes « en situation de détresse » d’avorter. Le délai est de 10 semaines de grossesse et les conditions sont encadrées et sécurisées.

Ce texte résulte de l’adoption, le 20 décembre 1974, du projet de loi sur la dépénalisation de l’IVG. Celui-ci a engendré des débats intenses à l’Assemblée nationale.

Faisant sien les mots du président de la République François Mitterrand, Simone Veil, figure emblématique de ce combat pour l’avortement, déclame alors dans son discours qu’elle souhaite « mettre fin à une situation de désordre et d’injustice et d’apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps ». Un « projet novateur et courageux », qu’elle défend bec et ongles. Son objectif est de faire évoluer une loi « répressive » qui, « depuis le début du siècle […] n’a été que peu appliquée ».

Car bien qu’illégal, l’avortement existe en France, mais de façon clandestine. Comme l’atteste le Manifeste des 343, rédigé par Simone de Beauvoir et publié le 5 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur. Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Françoise Fabian, Brigitte Fontaine, Gisèle Halimi, Bernadette Lafont, Jeanne Moreau ou encore Françoise Sagan y reconnaissent publiquement avoir déjà avorté. Un acte qui peut les exposer à des poursuites pénales.

Vers un remboursement de l’IVG

Les années qui suivent l’adoption de la loi Veil sont marquées par un travail de fond pour assurer l’accès à l’IVG pour toutes les femmes. C’est pendant cette période que la question de son remboursement par la Sécurité sociale est abordée. Finalement, la loi du 31 décembre 1982 l’instaure. « L’État rembourse aux organismes gérant un régime légal de sécurité sociale les dépenses qu’ils supportent au titre de la part garantie des frais exposés par les assurés sociaux à l’occasion des interruptions volontaires de grossesse », indique le texte. Il faudra cependant attendre la loi du 17 décembre 2012 pour bénéficier d’une prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

« Deux ans plus tard, les actes d’échographie et d’investigations biologiques associés à l’IVG sont également pris en charge », précise le ministère de la Santé dans un communiqué. Enfin, c’est en 2016 que la loi prévoit le remboursement de l’ensemble du parcours de soins liés à l’IVG. Celui-ci inclut les consultations préalables et de suivi, ainsi que les actes techniques.

L’allongement du délai légal de l’IVG

Le 4 juillet 2001, la loi « Aubry-Guigou » allonge le délai légal maximal de l’IVG instrumentale, pratique qui se caractérise par une intervention chirurgicale d’aspiration. Il passe alors de 10 à 12 semaines de grossesse. En 2022, la loi allonge de nouveau ce délai, le passant à 14 semaines.

Cette même année, par décret, la France élargit l’accès à l’IVG médicamenteuse, qui consiste, selon l’Assurance maladie, « à prendre des médicaments qui provoquent l’interruption de la grossesse et l’expulsion de l’embryon ». Elle autorise sa pratique jusqu’à la fin de la 7e semaine de grossesse.

Élargir la pratique médicale de l’IVG

La pratique de l’IVG médicamenteuse va également se démocratiser. Elle était jusqu’alors réservée aux établissements de santé (hôpitaux et cliniques). Elle est autorisée en ville, à partir de 2005, puis en centre de santé et centre de santé sexuelle.

Depuis 2023, les sage-femmes sont également habilités à réaliser l’IVG en établissement de santé, sous conditions.

Rappelons que l’avortement n’est pas un acte médical comme un autre, puisque les médecins bénéficient d’une clause de conscience spécifique. Celle-ci leur permet de refuser un patient pour des raisons de conviction personnelle ou professionnelle.

Faciliter l’accès à l’avortement pour toutes

Puis, en 2001, la loi Aubry-Guigou assouplit les conditions d’accès à l’IVG pour les femmes mineures. Le consentement parental n’est plus obligatoire.

En 2022, le décret du 19 février supprime aussi le délai minimum de réflexion entre l’entretien psycho-social et le consentement. Elle permet aussi la réalisation de tout ou partie de la procédure d’IVG médicamenteuse en téléconsultation.

2024 : la constitutionnalisation de l’avortement

Enfin, le 8 mars 2024, la Constitution consacre la « liberté garantie aux femmes d’interrompre leur grossesse ». Fortement symbolique, cet acte ne garantit pas sa mise en pratique. Des inégalités d’accès à l’IVG demeurent. Les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous, ou encore du manque de praticiens dans certaines régions sont en cause. Le droit à l’avortement reste donc une liberté fragile qui peut de surcroît être facilement remis en cause, comme on peut le voir dans certains pays d’Europe ou encore aux États-Unis.

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Retrouvez toutes les informations fiables sur l’IVG sur le site Ivg.gouv.fr.

L’avortement en chiffres

En 2023, la France enregistre 243 623 interruptions volontaires de grossesse (IVG). Cela représente 8 600 IVG de plus qu’en 2022. La méthode médicamenteuse est la plus utilisée, à 79 %. Celle-ci est pratiquée, dans 48 % des cas en établissement de santé, dans 46 % en cabinet libéral et dans les 6 % restants en centre de santé ou centre de santé sexuelle.
Cette même année, 208 sages-femmes, 902 gynécologues médicaux ou gynéco-obstétriciens, 1 007 médecins généralistes et 53 autres médecins ont réalisé des IVG en cabinet libéral.
Source : Drees.