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L’autoconservation des ovocytes en 5 questions

Le succès de l’autoconservation non médicale d’ovocytes ne se dément pas. Près de trois ans après la promulgation de la loi de bioéthique l’autorisant, les femmes restent peu informées sur ses modalités. On fait le point, avec le Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine.

L’autoconservation non médicale d’ovocytes en vue de l’assistance médicale à la procréation (AMP) ultérieure est de plus en plus plébiscitée depuis la promulgation de la loi du 2 août 2021 sur la bioéthique. Plus de 20 000 demandes ont été enregistrées dans la quarantaine de centres autorisés sur le territoire français, qui ont été rapidement submergés. Selon les dernières données publiées par l’Agence de la biomédecine, au premier semestre 2023 il y a eu 7 616 nouvelles demandes, contre 5 038 au second semestre 2022, soit une augmentation de 51 %. Non seulement le Dr Marine Jeantet prédit que cette tendance à la hausse devrait se maintenir, mais cela pourrait même devenir « une pratique courante, notamment chez les nouvelles générations de femmes qui ont une approche différente de la maternité et qui cherchent à optimiser leurs opportunités et à maîtriser le temps ».

1. Quelles femmes sont concernées par la préservation ovocytaire ?

La loi autorise le prélèvement d’ovocytes chez la femme à compter de son 29e anniversaire et jusqu’à son 37e anniversaire. Des données étrangères suggèrent néanmoins que des grossesses restent possibles avec des ovocytes autoconservés à partir de 37 ans (1), et ce en dépit d’une diminution des taux de succès de l’AMP à cause de l’avancée en âge.

2. L’âge de prélèvement des ovocytes importe-t-il ?

Le message aux jeunes femmes est clair : pour envisager l’autoconservation ovocytaire, il est recommandé d’agir dès l’âge de 29 ans, car les ovocytes sont de meilleure qualité à un jeune âge. Un consensus français recommande le prélèvement d’environ 15 ovocytes (2).

3. Le prélèvement et la conservation des ovocytes sont-ils pris en charge s’ils sont réalisés à l’étranger ?

Pour les femmes françaises, le prélèvement ovocytaire pour des raisons non médicales est entièrement pris en charge par la Sécurité sociale, en France comme à l’étranger (UE et Suisse), à l’exception de la conservation, d’un montant annuel de 40 euros environ. La possibilité du remboursement par le Centre National des Soins à l’Étranger (CNSE) est encore très peu connue (à noter, les dépenses supplémentaires comme l’hébergement et le transport ne sont pas couvertes).

4. Préserver ses ovocytes deviendra-t-il une pratique banalisée à l’avenir ?

La tendance à la hausse devrait se poursuivre, en France comme à l’étranger pour les femmes françaises. Le Dr Marine Jeantet en est convaincue : « Cela pourrait même devenir une pratique courante à l’approche de la trentaine, chez les nouvelles générations de femmes. » Par ailleurs, on associe souvent l’autoconservation ovocytaire à un profil de femme « carriériste ». En réalité, plus de 80 % des femmes y ont recours en raison de l’absence de partenaire (3). Cependant, de plus en plus de femmes en couple consultent, expliquant que ce n’est pas le moment de concevoir ou que leur partenaire n’est pas prêt.

5. Est-on assuré de pouvoir utiliser ses ovocytes conservés quand on le souhaite ?

Les équipes médicales qui pratiquent l’AMP, déjà saturées, ont tendance à privilégier les personnes les plus jeunes, maximisant ainsi leurs chances de succès de grossesse. Bien que le cadre juridique autorise leur utilisation jusqu’à 45 ans, les femmes doivent les utiliser à temps, et même anticiper bien avant, compte tenu des délais et des engorgements potentiels dans les centres d’AMP autorisés.

© C I E M / Hélène Joubert

(1) Goldman RH, Racowsky C, Farland LV, et al. Predicting  the likelihood of live birth for elective oocyte cryopreservation : a counseling tool for physicians and patients. Hum Reprod. 2017 Apr 1 ; 32(4):853-859. 

(2) Santulli P, Dupont C, Achour-Chneiweiss N, et al. Actualités en assistance médicale à la procréation à la suite de la nouvelle Loi bioéthique n°2021-107 du 2 août 2021 : proposition de référentiel [News in assisted reproductive technologies after French Bioethic law of 2021 August]. Gynecol Obstet Fertil Senol. 2023 Sep ; 51(9):428-433. French. 

(3) Pennings G. Elective egg freezing and women’s emancipation. Reprod Biomed Online. 2021 Jun ; 42(6):1053-1055.