L’Économie sociale et solidaire : une reconnaissance progressive
L’économie sociale naît au XIXe siècle, chez les ouvriers qui, pour résister au rouleau compresseur productiviste, créent des sociétés de secours mutuels, des coopératives, etc. L’idée d’économie solidaire, elle, n’apparaît qu’en 1970, en réponse aux nouveaux besoins des populations touchées par le chômage et l’exclusion sociale. Mutuelles, coopératives et associations sont les trois familles fondatrices de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elles partagent les mêmes principes et valeurs : liberté, démocratie, solidarité, respect de l’humain et de son environnement.
XIXe siècle : prémices de l’ESS avec les sociétés de secours mutuels
Des sociétés de secours mutuels sont créées pendant la révolution industrielle par les corporations de métiers. Le but est de protéger la santé des travailleurs faisant face à des conditions de vie difficiles. Elles deviendront par la suite les mutuelles, des organisations qui font partie intégrante de l’ESS.
1er juillet 1901. Un cadre juridique pour les associations
La loi du 1er juillet 1901 (loi Waldeck-Rousseau) et le décret du 16 août de la même année sont les deux textes fondamentaux sur lesquels repose le fonctionnement des associations. Ils marquent le début du développement associatif. Or, les associations, comme les mutuelles, les coopératives et les fondations, acteurs clés du système de santé, sont les structures qui entreront, un siècle plus tard, dans le champ de l’ESS.
1945. Sécurité sociale, comités d’entreprise et développement des associations
Après la Libération, en 1945, le monde associatif prend un nouvel essor, notamment dans les secteurs de la jeunesse, de la protection de l’enfance, du sport, de la culture et de l’éducation populaire. Sécurité sociale, comités d’entreprise, etc. : un bouquet de réformes vient également jeter les bases d’un nouveau modèle économique et social.
1947. Une loi pour les coopératives
La loi du 10 septembre 1947, dite loi Ramadier, définit le statut des coopératives et décrit leurs règles générales de fonctionnement et d’administration par rapport aux autres formes d’entreprises.
Selon cette loi fondatrice, la coopérative est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ». On y trouve les deux grands principes qui caractérisent l’économie sociale : la gouvernance démocratique et le partage de la valeur.
1970-1980. L’économie solidaire voit le jour
Avec le développement de l’insertion par l’activité économique pour lutter contre les effets du chômage et de l’exclusion, la notion d’économie solidaire apparaît pour prendre place dans des activités peu prisées du secteur privé classique, comme les services de proximité, le tri et le recyclage, la gestion des espaces verts ou la logistique.
Années 2000. L’État s’intéresse à l’ESS
Pour combler les lacunes des services publics dans le domaine social, l’État veut faire émerger une politique publique de l’ESS. Il alloue pour cela des fonds destinés à encourager l’entrepreneuriat social par le biais de dispositifs tels que les incubateurs d’innovation sociale ou le dispositif local d’accompagnement (DLA), dont l’Avise (Agence collective d’ingénierie chargée de promouvoir l’ESS) est l’opérateur national depuis 2002.
Juillet 2014. Adoption de la loi Hamon
La loi n° 2014-856, dite loi Hamon, adoptée par le Parlement français le 21 juillet 2014, reconnaît officiellement l’ESS comme un ensemble réunissant l’économie sociale, l’économie solidaire et l’entrepreneuriat social. L’approbation de cette loi est certainement le jalon le plus important de l’histoire bicentenaire de l’ESS. Elle lui apporte une réelle définition juridique, permettant à cette forme d’économie d’être reconnue et développée. Jusqu’ici, les mouvements coopératifs, mutualistes et associatifs suivaient chacun leur route. Coopératives de production, de consommateurs, d’épargne et de crédit, agricoles, etc. ; mutuelles de santé, d’assurance ; associations sportives, d’éducation populaire, culturelles, etc., soit s’ignorent, soit sont divisées, se rapprochant au gré de leurs intérêts, qui dans des fédérations, qui dans des groupements. La loi Hamon permet d’apporter une définition à l’ESS et d’organiser sa représentation nationale et régionale.
Décembre 2021. Une déclaration d’engagements
Le Congrès de l’ESS du 10 décembre 2021 a été l’occasion pour ESS France, ou Chambre française de l’ESS, une structure représentative de l’ESS, de proclamer une nouvelle déclaration d’engagements : « Pour une République sociale et solidaire : nos raisons d’agir ». Ce texte a pour objet de définir l’identité politique de l’ESS, un pas de plus dans l’élaboration d’une identité commune de tous les acteurs de cette économie différente des autres.
© C i E M / Isabelle Coston
Sources : ESS France ; Avise ; Recma, 334, octobre 2014 ; Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Normandie.
Charles Gide, théoricien de l’économie sociale
Charles Gide (1847-1932) – qui n’est autre que l’oncle de l’écrivain André Gide –, économiste et professeur au Collège de France, est l’inventeur du terme « économie sociale », qu’il a théorisé. Selon lui, l’économie sociale doit avoir pour rôle d’« élever la condition du peuple ». Il fut également le dirigeant historique du mouvement coopératif français et l’un des fondateurs du christianisme social. Toute son œuvre est dominée par l’idée de solidarité.