Médicaments : une nouvelle feuille de route du gouvernement pour éviter les pénuries
Les ministères de la Santé et de l’Industrie ont dévoilé conjointement le nouveau plan visant, sur la période 2024-2027, à réduire au maximum les pénuries de médicaments.
La tension est montée crescendo ces dernières années et a atteint son paroxysme à l’automne 2023. Les pénuries de médicaments sont devenues un phénomène récurrent et préoccupant pour les pharmacies françaises. 4925 signalements de pénuries ou de tensions dans l’approvisionnement de médicaments ont été recensées en 2023 par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM). C’est plus que les 3761 recensées en 2022, c’est bien plus que les 2760 répertoriées en 2021. À titre de comparaison, il n’y en avait qu’environ 700 en 2018.
Des tensions qui concernent tous types de médicaments, des antiépileptiques tels que le Rivotril aux antibiotiques tels que la Rifampacine, et même le paracétamol. Une situation prise au sérieux par le gouvernement. Après un premier plan d’action pour la période 2019-2022, et face à l’aggravation de la situation, l’exécutif avait dévoilé une « feuille de route pénuries » au printemps dernier, une liste des médicaments essentiels sur lesquels allaient se concentrer les efforts d’approvisionnement.
Cette fois-ci, la nouvelle feuille de route 2024 – 2027 dévoilée par le gouvernement va plus loin et prévoit notamment un « accord prix-volume » avec les industriels pour faciliter l’approvisionnement en Amoxiciline, un des antibiotiques les plus répandus. De manière plus large, ce nouveau plan doit permettre de renforcer et de fluidifier toute la chaine d’approvisionnement, de la fabrication à la délivrance du produit. Quatre axes de travail ont ainsi été dégagés par les services de l’État.
Quelles sont les pistes envisagées ?
D’abord, une surveillance accrue et une meilleure détection des signaux de pénurie, pour faciliter le déclenchement d’une alerte. Le second point concerne des actions de santé publique à grande échelle. « Des recommandations pour la prescription et la dispensation des alternatives des médicaments essentiels dont l’approvisionnement est vulnérable seront établies (…), associée à une liste de concordance des médicaments pour les prescripteurs, et à un tableau d’équivalence permettant aux pharmaciens d’officine de remplacer les médicaments en rupture par un médicament disponible sans solliciter le prescripteur », détaille le ministère de la Santé.
Le troisième axe de travail se concentre sur une meilleure transparence dans la chaîne d’approvisionnement. Laboratoires, grossistes et pharmaciens devront travailler de concert afin d’offrir aux patients la meilleure transparence sur l’évolution de l’offre. Tous ont déjà signé une charte de bonnes pratiques et d’éthique professionnelle auprès de l’ANSM. Une promesse de transparence s’est déjà en partie concrétisée par la création d’un tableau de bord, élaboré par l’ANSM, permettant de s’informer sur les médicaments en rupture, ceux en tension, et les approvisionnements, au jour le jour.
Considéré comme le « gendarme du médicament », l’Agence de sécurité du médicament avait déjà vu ses prérogatives évoluer lors de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. L’Agence pourra désormais imposer à des laboratoires des circuits de distribution précis et sanctionner financièrement les récalcitrants. Elle pourra aussi dresser une liste de médicaments à vendre à l’unité, le temps que les produits en question reviennent en quantité suffisante sur le marché et que la France retrouve une certaine souveraineté dans le secteur pharmaceutique.
Souveraineté industrielle
Dans son communiqué, le ministère évoque un « contexte international complexe » pour expliquer la gravité de la situation. Le déclenchement de la guerre en Ukraine, pays autrefois leader dans la création des emballages, est une raison souvent avancée. La concurrence des laboratoires étrangers dans la production de certains médicaments, qui tourne même au monopole dans certains cas, a poussé le gouvernement à adopter une politique protectionniste.
Quinze ans après la fermeture de la dernière chaîne française de production de paracétamol, l’annonce mi-février de la construction d’une usine à Toulouse, dès 2025, apparaît comme le symbole de cette politique souverainiste. « Sur le plan industriel, il nous faut à la fois conserver la production de médicaments essentiels sur le territoire, et amplifier la dynamique de relocalisation » affirme Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Energie. Nous devons porter cette ambition au niveau européen également, pour réduire collectivement les tensions d’approvisionnement et renforcer notre capacité de production en Europe. »
© CIEM / Mathieu Yerle