Des recommandations pour mieux prendre en charge les effets de l’exposome
L’exposome désigne l’ensemble des agents chimiques, physiques, biologiques et psychosociaux auxquels une personne est exposée durant sa vie. Concept relativement récent, il est pris au sérieux par les institutions. L’Académie nationale de médecine vient de livrer ses préconisations pour limiter l’impact de ces perturbateurs.
Ce que l’on mange, ce que l’on boit, les sons auxquels on s’expose, les comportements que l’on adopte et l’impact de l’environnement socio-économique : tous ces facteurs sont regroupés sous le terme d’exposome. Ce concept récent a été théorisé en 2005 par le chef de l’unité académique d’épidémiologie du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), Christopher Paul Wild. Conçu comme un complément du génome, il désigne l’ensemble des agents extérieurs auxquels nous sommes confrontés au quotidien et qui peuvent influer sur notre santé.
Politiques et universitaires se mobilisent
Les politiques publiques s’approprient depuis quelques années cette notion et le monde de la recherche aussi. Dans un rapport sur le sujet publié en 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) estime que « les facteurs environnementaux seraient à l’origine de plus de 70 % des maladies non transmissibles, qu’il s’agisse de maladies cardiovasculaires ou métaboliques, de cancers ou encore de problèmes respiratoires chroniques ». L’idée de regrouper l’ensemble de ces perturbateurs du quotidien sous le terme exposome revient à « considérer les différents facteurs incriminés dans leur ensemble, plutôt que d’étudier séparément l’effet de chacun d’entre eux sur la santé humaine », détaille l’Inserm.
Sous l’égide de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), l’université de Rennes a lancé, en 2021 également, l’infrastructure de recherche nationale France Exposome, consacrée au phénomène.
Aujourd’hui, c’est au tour de l’Académie nationale de médecine de livrer ses recommandations en la matière, pour agir sur les expositions évitables, et elles sont nombreuses – notamment les perturbateurs endocriniens.
L’impact sur les maladies chroniques à la loupe
L’Académie de médecine a distingué des composants externes et internes de l’exposome. Les premiers désignent l’ensemble des agents extérieurs comme la qualité de l’air, l’exposition à des produits chimiques, les pratiques individuelles nocives (tabagisme, alcoolisme…) et le contexte économique et social de l’individu, que ce soit son métier, son logement, ou son milieu social et géographique. Les composants internes sont ceux inhérents au corps, que ce soit l’urine, le sang, les cheveux ou le lait maternel par exemple.
Parmi les recommandations de l’institution figurent l’amélioration des capacités de mesure de l’exposome et de ses impacts sanitaires, la prise en compte de la gestion des risques en développant la communication au grand public et en révisant les seuils réglementaires, ainsi que le développement de la prévention au niveau local, en mobilisant notamment les agences de santé et en informant les professionnels. L’Académie va même plus loin, en proposant la création d’un programme de recherche entièrement dédié à la question.
Vers un programme national de recherche ?
Les chercheurs estiment en effet qu’un programme similaire à celui sur le génome est souhaitable. Plusieurs priorités sont mises en avant : l’installation d’infrastructures de recherche et d’analyse travaillant en harmonie au niveau national et européen et, dans un second temps, le lancement d’une cohorte épidémiologique de grande ampleur (plus de 100 000 personnes) à l’échelle de l’Europe. Cette dernière permettra un suivi étalé dans le temps d’une population, afin de mieux connaître le développement d’une maladie et d’identifier les pathologies rares.
Outre une meilleure prise en compte des différences de genre et une étude approfondie de l’impact des produits chimiques sur nos vies, les membres de l’Académie souhaitent aussi voir naître une approche juridique de l’exposome : la création d’un « préjudice sanitaire » calqué sur la notion récemment introduite de « préjudice environnemental ». Ils expliquent que « ce préjudice concernerait des atteintes aux intérêts humains dans une vision collective et non individuelle, par exemple si une activité par son ampleur altère la qualité de l’air ou de l’eau pour une large population ».
© CIEM / Mathieu Yerle