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Je parle tout seul : est-ce grave ?

Contrairement aux idées reçues, parler tout seul n’a rien de pathologique. Plusieurs études se sont penchées sur la question et ont montré qu’une telle pratique serait même bénéfique pour la santé psychique. 

Sous la douche, devant votre ordinateur ou dans la rue… Parfois, vous vous surprenez à vous parler à vous-même et cela vous inquiète. Rassurez-vous, vous n’êtes pas complètement fou ! Parler tout seul n’est pas un signe de démence et plusieurs études le prouvent. « Nous sommes nombreux à le faire, précise le docteur Jean-Jacques Bonamour du Tartre, psychiatre à Paris et ancien président de la Fédération française de psychiatrie. Beaucoup de gens ont ce rapport particulier à la parole, ce besoin de passer par l’énoncé. » Cette habitude, qui pourrait sembler curieuse, nous aiderait en réalité à clarifier notre pensée et à mener une réflexion plus objective. Selon une étude menée par des chercheurs de l’université de Bangor, au Royaume-Uni, se parler à soi-même développerait même des bienfaits cognitifs importants. 

Un prolongement de notre conversation intérieure

« Parler à voix haute peut être une extension de cette conversation intérieure silencieuse », de ce « discours très sain ayant un rôle spécial pour garder notre esprit en forme », explique Paloma Mari-Beffa, maître de conférences en neuropsychologie et psychologie cognitive à Bangor, dans un papier publié dans la revue en ligne The Conversation en mai 2017. Ainsi, cette pratique est l’un des moyens qui nous « aide à contrôler notre comportement ». Les résultats de ses travaux ont démontré que « si nous nous parlons pour prendre le contrôle de tâches difficiles, les performances s’améliorent considérablement lorsque nous le faisons à voix haute », explique-t-elle. Et la scientifique de donner l’exemple de ces sportifs qui s’encouragent lors des compétitions pour se motiver et mieux se concentrer.  « Notre capacité à gérer des auto-instructions explicites est en fait l’un des meilleurs outils dont nous disposons pour le contrôle cognitif », conclut Paloma Mari-Beffa. 

Une réflexion plus rapide 

Mais ce n’est pas tout : dans une autre étude publiée en 2015 dans le Quarterly Journal of Experimental Psychology, les psychologues Gary Lupyan et Daniel Swigley ont montré que les personnes qui parlaient seules analysaient et réfléchissaient plus vite que la moyenne. Converser avec soi-même serait en outre un véritable antistress. « La vie est ainsi faite : il y a quand même plein de sujets inquiétants, des décisions importantes à prendre qui nous perturbent et nous plongent dans une certaine anxiété, ajoute le docteur Bonamour du Tartre. Se parler à soi-même peut permettre de poser les choses et de lutter contre cette anxiété naturelle. » Ainsi, cela apaiserait nos questions existentielles et nous permettrait de développer notre confiance en soi. En plus de diminuer l’angoisse, l’auto-conversation peut aussi être un moyen efficace de se défouler, de se sentir moins seul et d’entretenir sa mémoire. 

Surveiller les commentaires négatifs

Mais attention, tout dépend aussi de la nature de nos paroles. Par exemple, se répéter constamment que l’on est nul, que l’on ne va pas y arriver, n’a évidemment rien de positif ni d’encourageant. « Cela peut être le signe d’un vrai malaise existentiel et d’une problématique d’amour-propre insuffisant », précise le docteur Bonamour du Tartre. Les spécialistes conseillent donc de repérer rapidement ces commentaires négatifs et de faire preuve de plus de bienveillance envers soi-même. S’ils sont trop fréquents et vous enferment dans la souffrance, n’hésitez pas à consulter un psychologue. 

© C i E M / Delphine Delarue