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Quand les suppléments de testostérone sont-ils utiles ?

En France, les experts de l’Association française d’urologie (AFU) constatent qu’un grand nombre d’hommes souffrent d’un déficit en testostérone. Cependant, le traitement de substitution reste insuffisamment prescrit. Une prise en charge pourtant essentielle pour la santé sexuelle mais aussi la santé globale des hommes.

Alors que le déficit en testostérone est fréquent, de nombreux hommes d’âge mûr pourraient voir leur qualité de vie s’améliorer grâce à une prise en charge adaptée. Pourtant, en France, ce traitement peine à s’imposer malgré des bénéfices clairement démontrés. Selon le Pr Éric Huyghe (CHU de Toulouse), qui s’exprimait lors du dernier congrès de l’AFU(1), environ 340 000 hommes en France présenteraient un déficit en testostérone s’accompagnant de symptômes, mais seulement 70 000 d’entre eux, soit 20 %, sont sous traitement substitutif. Pour le spécialiste, il faut surmonter les préjugés et réticences des médecins comme des intéressés vis-à-vis de la supplémentation en testostérone, et ainsi corriger le sous-diagnostic flagrant à l’origine de ce sous-traitement. « Le traitement du déficit en testostérone est efficace et sans risque, explique-t-il. Non seulement il améliore la sexualité (libido, fonction érectile) et la qualité de vie (fatigue), mais il a également un impact positif sur la santé générale ». L’instance de santé américaine (FDA) a par exemple établi qu’un faible taux de testostérone est un indicateur de risque accru de mortalité, et que chez les diabétiques de type 2, le traitement substitutif améliore la survie. Par ailleurs, des effets bénéfiques sur les paramètres cardiométaboliques ont été démontrés, comme le soulignait la Société européenne de cardiologie (ESC) en 2021.

Des symptômes très évocateurs

Les symptômes les plus caractéristiques d’un déficit en testostérone chez l’homme avec l’avancée en âge incluent une baisse du désir sexuel, la disparition des érections nocturnes, une fatigue persistante et une perte de force musculaire(2). D’autres manifestations fréquentes sont le surpoids, une humeur dépressive, l’anxiété, l’irritabilité et un sentiment de mal-être. Le déficit en testostérone est plus courant chez les hommes atteints de maladies métaboliques, cardiovasculaires, avec des antécédents andrologiques, ou suivant des traitements à base de corticoïdes, d’opioïdes, d’antipsychotiques, d’anticonvulsivants, d’antirétroviraux ou de traitements contre le cancer.

Pas de lien avec le cancer de la prostate

Pour établir le diagnostic, il est fréquent pour le praticien de se baser sur la valeur de la testostérone totale. Erreur, car c’est la valeur de la testostérone libre ou biodisponible qu’il faut prendre en compte, même si la testostérone totale semble normale (deux dosages le matin à jeun, à un mois d’intervalle). De plus, concernant les normes, « il est préférable de se référer aux valeurs moyennes des hommes jeunes plutôt qu’à la valeur seuil associée à la tranche d’âge du patient, comme c’est trop souvent le cas », souligne le Pr Huygue.

Une fois le diagnostic établi, le traitement par testostérone est possible (sous forme de gels transcutanés ou d’injections intramusculaires) avec quelques contre-indications, comme en cas de cancer évolutif de la prostate ou du sein, d’insuffisance cardiaque sévère, d’événement cardiovasculaire récent (dans les 3 à 6 mois), de maladie cardiovasculaire non contrôlée, de polyglobulie (anomalie de la production des globules rouges), d’hypertrophie bénigne de la prostate compliquée, de syndrome d’apnée du sommeil non traité, ou de projet de paternité. Et contrairement à une idée répandue, ni un antécédent de cancer ni une hypertrophie bénigne de la prostate ne constituent des contre-indications au traitement, rassure l’urologue, qui ajoute : « des recherches approfondies ont confirmé qu’un taux élevé de testostérone n’est pas lié à un risque accru de cancer de la prostate, comme on le croit souvent ».

© C I E M / Hélène Joubert

(1) 117e congrès de l’Association française d’urologie (AFU) 2023 et la présentation du Pr Huygue, «40 ans de traitement de testostérone : y a-t-il des risques à prescrire aujourd’hui ? Pourquoi si peu de prescriptions en France» (23 novembre 2023, Paris).

(2) Burté C, Lejeune H, Faix A, «Les recommandations pour la prise en charge du déficit en testostérone», Sexologies, sept. 2021; 30(3) :149-156.