SIBO, mythe ou réalité ?
Les premières recommandations françaises sur la prolifération bactérienne de l’intestin grêle viennent d’être publiées. Celui que l’on appelle SIBO fait l’objet d’un tel engouement que de nombreuses personnes souffrant de troubles digestifs se tournent vers des autotests ou sollicitent un test respiratoire à l’hôpital. Dans bien des cas, il s’agit en réalité d’un syndrome de l’intestin irritable. Pourquoi une telle confusion ?
Le Groupe français de neuro-gastroentérologie (GFNG) a rédigé les premières recommandations françaises sur le SIBO, sous la direction des professeurs Chloé Melchior (CHU de Rouen) et François Mion (Hospices Civils de Lyon). « Le SIBO, acronyme anglais de Small Intestinal Bacterial Overgrowth, correspond à une pullulation anormale de bactéries dans l’intestin grêle, ont expliqué ces spécialistes lors du congrès annuel de la gastroentérologie française (JFHOD, mars 2025, Paris). Ce n’est pas une maladie à part entière, mais une condition liée à d’autres pathologies, comme certaines chirurgies digestives ou des troubles moteurs sévères de l’intestin. Il provoque des symptômes digestifs avec parfois des anomalies biologiques. » Les symptômes, fréquents mais non spécifiques au SIBO, incluent diarrhées, douleurs, ballonnements, distension abdominale et flatulences. Les anomalies biologiques les plus caractéristiques sont une stéatorrhée, c’est-à-dire des selles très grasses, ainsi qu’une carence en vitamine B12.
Intestin irritable ou SIBO, comment les différencier ?
Pour semer le trouble, le SIBO et le syndrome de l’intestin irritable partagent les mêmes symptômes. La différence tient à leurs causes. Dans le SIBO, ces troubles digestifs s’expliquent par des facteurs bien connus : interventions chirurgicales modifiant l’anatomie digestive (by-pass gastrique dans la chirurgie de l’obésité…), troubles sévères de la motricité (neuropathie diabétique, etc.), défauts de digestion ou d’absorption (insuffisance pancréatique ou hépatique, inflammation chronique de la muqueuse gastrique, etc.), déficits immunitaires ou encore certains médicaments (opiacés, psychotropes). Mais, très rarement, un côlon irritable en est la cause : « Lorsqu’on recherche systématiquement un SIBO chez des patients atteints du syndrome de l’intestin irritable mais sans autre maladie (diabète, chirurgie digestive…), on ne le retrouve que dans moins de 4 % des cas », précise le Pr Mion. L’association entre les deux est donc le plus souvent fortuite. Ainsi, lorsqu’un diagnostic de côlon irritable est posé, il n’est pas recommandé de chercher un SIBO. Pourtant, de nombreux tests sont fréquemment prescrits par des généralistes, des gastroentérologues, etc.
En revanche, lorsque les conditions pouvant provoquer un SIBO sont présentes, le test respiratoire est utile, celui au glucose étant le seul recommandé. Il mesure l’hydrogène et le méthane expirés par l’individu après une ingestion de glucose, produits par la fermentation bactérienne dans l’intestin grêle.
Des tests respiratoires bien encadrés
Ce type de test ne peut être interprété correctement que s’il est réalisé dans un cadre médical, comme un hôpital ou un laboratoire disposant des autorisations nécessaires. Les autotests en libre accès ou les tests utilisés dans certaines pratiques non conventionnelles ne présentent aucune fiabilité. Car le protocole imposé est rigoureux, depuis la phase de préparation jusqu’à sa réalisation : arrêt préalable des antibiotiques pendant plusieurs semaines, suppression des laxatifs, instauration d’un régime excluant résidus et aliments fermentescibles plusieurs jours avant, etc. Lorsqu’un SIBO est confirmé, le traitement commence par la prise en charge du facteur déclenchant (trouble de la motricité, anomalie anatomique, etc.). Si cette approche ne suffit pas, un traitement antibiotique, prescrit par un spécialiste, est mis en place pour une dizaine de jours. Une seconde cure peut être envisagée si nécessaire.
Hélène Joubert