Toux chroniques réfractaires ou inexpliquées, envisager la piste génétique
Le CANVAS est une maladie génétique qui a été récemment associée à environ un quart des personnes souffrant de toux chronique réfractaire ou inexpliquée. En cause : un gène défectueux, et même probablement d’autres, qu’il reste à découvrir.
La toux chronique, fréquente et aux multiples causes (rhinosinusite chronique, dysfonction du larynx, toux d’hypersensibilité, asthme, fibrose pulmonaire, etc.), constitue un véritable enjeu de santé publique. Sa prévalence mondiale est estimée à 9,6 %, mais une étude française publiée en 2021 la situe plutôt à 4,8 % chez les adultes(1), tous degrés confondus. Ce n’est que récemment que l’on a commencé à élucider certains mécanismes des « toux chroniques réfractaires et inexpliquées » qui représentent environ 20 à 25 % des cas et peuvent avoir d’importantes conséquences sur la vie quotidienne et la qualité de vie.
Une véritable maladie
Selon le Pr Laurent Guilleminault, pneumologue au CHU de Toulouse spécialisé dans les pathologies de la toux, la découverte d’une anomalie génétique (l’expansion répétée du gène RFC1, exactement) chez les patients souffrant de toux chronique inexpliquée a permis de changer de paradigme(2). Cette identification précise de l’origine génétique permet désormais d’informer les patients qu’ils sont atteints d’une véritable maladie, en l’occurrence génétique, éliminant ainsi toute notion psychosomatique. Il s’agit du CANVAS, au nom compliqué de « syndrome d’ataxie cérébelleuse avec neuropathie et aréflexie vestibulaire », comprenant des troubles de la coordination et de l’équilibre notamment, auxquels on pourrait donc désormais ajouter le symptôme de toux chronique.
Ce n’est qu’en 2019 qu’une étude a identifié la cause moléculaire du syndrome CANVAS, au niveau d’une région du gène RFC1. La protéine produite par ce gène, appelée protéine RFC1, joue un rôle dans la réplication (processus par lequel une cellule copie son ADN avant de se diviser) et la réparation de l’ADN. Et pour étudier la proportion de personnes atteintes de cette maladie génétique – dont l’un des symptômes est une toux chronique – parmi les patients présentant une toux chronique inexpliquée et résistante aux traitements actuels, le Pr Guilleminault, en collaboration avec d’autres équipes, dont des neurologues et des généticiens, a décidé d’examiner une cohorte de patients tousseurs chroniques réfractaires (sans pathologie neurologique) au CHU de Toulouse. Les chercheurs ont ainsi pu évaluer l’incidence du syndrome CANVAS(3).
D’autres anomalies génétiques à rechercher
« Dans notre cohorte de patients atteints de toux chronique réfractaire ou inexpliquée, 25 % présentaient bel et bien l’anomalie du gène RFC1, détaille Laurent Guilleminault. Il est de plus possible que certains patients, pour lesquels le gène RFC1 n’a pas été impliqué, souffrent également de cette maladie, mais à cause d’autres mutations encore non identifiées. Chez ces personnes ayant le syndrome neurologique CANVAS, une toux isolée peut précéder les autres symptômes neurologiques de plusieurs décennies. »
Si, à ce stade des découvertes, aucune solution thérapeutique ne peut encore être proposée pour soulager la toux du syndrome CANVAS – les recherches au niveau mondial sont en cours – toutefois, il est réconfortant pour les patients, dont la vie avec une toux invalidante est devenue très compliquée, de pouvoir attribuer un nom et une cause génétique à une maladie dont on leur a dit trop souvent « qu’elle était dans la tête ».
© CIEM / Hélène Joubert
(1) Prévalence de la toux chronique ressentie et diagnostiquée chez l’adulte en France. Revue des Maladies Respiratoires Actualités. 2021; 13(1):16-17.
(2) 4es Rencontres de la toux (Paris, 15 au 16 décembre 2023)
(3) Repeat Expansions of RFC1 in Refractory Chronic Cough: A Missing Piece of the Puzzle? Chest. 2023 Apr;163(4):911-915.
