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Les vertiges, est-ce grave ?

Un quart de la population sera un jour confronté à des vertiges, plus ou moins durables et violents. Si la majeure partie sont simples à contrôler, certains vertiges handicapent la vie quotidienne. Maladie de Ménière, vertiges positionnels, vestibulaires, faux vertiges, etc. : il faut consulter afin de ne pas passer à côté d’une urgence.

Dans le langage courant, « vertige » est un terme vague qui décrit des impressions de déséquilibre, d’étourdissement ou d’instabilité. Or, sa définition médicale est très précise : il s’agit d’une sensation de mouvement, soit de l’environnement de la personne qui ressent les vertiges, soit de la personne elle-même (mouvement circulaire et/ou vertical, balancement, sensation de chute). Les crises vertigineuses sont liées à un dysfonctionnement de la fonction de l’équilibre. Les organes de l’équilibre se trouvent dans l’oreille interne (labyrinthe) et informent sur les mouvements du corps dans l’espace.

Penser au vertige « maladie »

« Si une crise vertigineuse n’est pas forcément une urgence vitale, il s’agit néanmoins d’une urgence diagnostique, prévient le Pr Jean-Pierre Sauvage*, ancien chef du service ORL au CHU Dupuytren (Limoges). Car c’est seulement lorsque la personne est en crise que le spécialiste peut déterminer quelle partie de l’oreille interne est en cause. La crise de vertige peut durer une journée, voire quinze jours et même, dans le cas des vertiges positionnels, elle se répète quotidiennement. Certaines maladies, notamment virales, peuvent donner une unique crise de vertige, d’une durée plus ou moins longue. »
L’oreille interne est un organe sensoriel qui pilote le regard au cours du mouvement en produisant un mouvement de l’œil inverse du mouvement de la tête. C’est donc en étudiant l’œil lors de mouvements de la tête pendant la crise que l’ORL pourra entrevoir la cause de la crise vertigineuse. Le terme exact est « nystagmus spontanés », pour nommer ces mouvements d’oscillation involontaires et saccadés du globe oculaire survenant au cours des vertiges. « Le spécialiste recherche deux mouvements oculaires spécifiques des vertiges, précise Jean-Pierre Sauvage. Le nystagmus vestibulaire spontané (sans bouger la tête) et le nystagmus positionnel, déclenché par un changement de position. Il pourra alors définir quel canal semi-circulaire de l’oreille interne est impliqué et pratiquer notamment des manœuvres libératrices. »

Le vertige positionnel paroxystique bénin

« Dans l’obscurité, j’ai la sensation de tourner et, dans la lumière, ce sont les objets qui tournent autour de moi, raconte Damien (34 ans). Ces vertiges brefs surviennent lorsque je me couche, que je lève la tête pour attraper un objet placé haut, ou que je me baisse pour le ramasser. » Les vertiges positionnels paroxystiques bénins sont la cause la plus fréquente de vertiges (30 % des cas), surtout en vieillissant. En cause, des otoconies (des cristaux de carbonate de calcium) roulant dans les canaux semi-circulaires de l’oreille interne et déclenchant des vertiges dits rotatoires. Les cellules ciliées sont stimulées, ce qui crée l’illusion d’un mouvement. Les manœuvres de repositionnement consistent à mobiliser la tête afin de disperser les dépôts d’otolithes.

La maladie de Ménière

« Après des années à subir des crises de vertiges brutales de plusieurs heures, une dizaine par an, on m’a enfin diagnostiqué une maladie de Ménière, se souvient Floriane (55 ans). Les crises me terrassaient. À la longue, je n’osais plus sortir. J’ai eu une « neurotomie vestibulaire » (section du nerf vestibulaire). J’ai depuis retrouvé une vie normale ». La maladie de Ménière (5 % des vertiges) est une maladie chronique, due à une pression trop importante du liquide de l’oreille interne qui entraîne des vertiges, une perte de l’audition neurosensorielle fluctuante et des acouphènes. Le soulagement des symptômes est obtenu par des médicaments antiémétiques (contre les nausées), des antihistaminiques (comme dans les allergies), ou des benzodiazépines (sédatifs-anxiolytiques), des diurétiques et un régime alimentaire pauvre en sel. La chirurgie peut être remplacée par une labyrinthectomie chimique, au moyen d’un antibiotique injecté sous anesthésie locale dans le vestibule (partie centrale du labyrinthe osseux de l’oreille interne).

La névrite (ou neuronite) vestibulaire

« À la suite d’une grippe carabinée, relate Sophie (44 ans), des vertiges terribles m’ont assommée. Surtout, une crise brutale et mémorable m’a clouée au lit pendant plusieurs jours. L’ORL m’a diagnostiqué une névrite vestibulaire ». Les personnes souffrant de névrite vestibulaire (atteinte du nerf vestibulaire) présentent une crise de vertiges sévères, des nausées et des vomissements, un trouble de l’équilibre, et un nystagmus persistant battant vers le côté resté sain. En cause, un virus comme celui de l’herpès (ou varicelle-zona) hébergé dans l’oreille interne et réveillé à l’occasion de l’infection, d’une baisse de l’immunité, etc. Le traitement comprend des antiémétiques et des antihistaminiques ou des benzodiazépines, voire des corticostéroïdes. Depuis que l’on pratique la kinésithérapie vestibulaire (voir encadré), les séquelles handicapantes ont disparu. 

Les « faux vertiges »

Il s’agit en majorité du « vertige des hauteurs » ou du mal des transports. Cette cinétose est due à la stimulation excessive de l’appareil vestibulaire au cours des déplacements du corps. Le mal des transports peut également survenir en cas de perceptions vestibulaires contradictoires. Par exemple, l’information visuelle selon laquelle le corps est statique peut entrer en conflit avec une sensation de mouvement. 

Quand faut-il s’inquiéter ?

« En général, dans le cadre de vertiges, les urgences vitales sont d’origine neurologique et vasculaire. En effet, des vertiges peuvent résulter d’une maladie ou d’un évènement grave, comme un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien. En cas d’AVC, le médecin repérera des mouvements oculaires anormaux (nystagmus), des troubles de l’équilibre, des crises rotatoires (illusions de mouvement) sur plusieurs jours. Mais des vertiges peuvent aussi être provoqués par des neurinomes, des tumeurs du nerf auditif ou au niveau du rocher (os qui renferme l’oreille interne et l’oreille moyenne). Globalement, tout vertige persistant débutant par des douleurs cervicales doit faire consulter », résume le Pr Sauvage.

*Auteur de Vertiges, manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2020, éditions Elsevier Masson, 3e édition.

La kinésithérapie vestibulaire

Certains traitements sont fondés sur la rééducation effectuée avec un kinésithérapeute toujours après avoir effectué un bilan ORL. Celle-ci est surtout indiquée en cas de névrite vestibulaire. Le principe est d’habituer le cerveau à compenser le dysfonctionnement du nerf touché, en utilisant davantage les autres systèmes impliqués dans l’équilibre.

Qui consulter ?

Le spécialiste ORL, mais à la condition qu’il dispose a minima dans son cabinet d’un instrument : la vidéonystagmoscopie, afin d’observer des nystagmus spontanés et amplifiés dans l’obscurité. Des examens complémentaires peuvent être requis, comme une otoscopie sous microscope, la mesure de l’audition (audiométrie) et des potentiels évoqués auditifs (enregistrement de l’activité électrique des voies nerveuses auditives de l’oreille) ; des examens vestibulaires et des potentiels évoqués vestibulaires myogéniques (examens spécialisés explorant la fonction de l’oreille interne dans l’équilibre).

© C i E M / Hélène Joubert