© E. Bianco

Emmanuel Bianco Spondylarthrite ankylosante : « C’est le mouvement qui aide à aller mieux »

Emmanuel Bianco, semi-marathonien malgré un handicap invisible est l’auteur du livre À grandes enjambées, paru aux éditions City en novembre 2021. Il y raconte son combat au quotidien contre une spondylarthrite ankylosante.

Quand Emmanuel Bianco, ancien champion d’athlétisme, apprend qu’il est atteint de spondylarthrite ankylosante, une maladie inflammatoire très douloureuse qui touche les articulations, cela fait déjà plusieurs années qu’il se heurte à l’incompréhension du milieu médical. Son ouvrage est le récit d’une descente aux enfers puis d’une renaissance grâce, notamment, à une volonté hors norme. Son témoignage encourage tous ceux qui souffrent en silence à se relever pour se battre.

Vous révélez dans ce livre qu’il aura fallu dix ans pour mettre un nom sur vos douleurs. Pourquoi le diagnostic arrive‑t‑il si tard ?

Étant très sportif quand j’étais jeune, je mettais mes douleurs articulaires sur le compte du sport. Je faisais confiance aux médecins. Lorsque je les consultais, ils ne cherchaient pas plus loin et se contentaient de me prescrire des anti-inflammatoires. Ce sont les douleurs nocturnes qui ont fini par alerter car l’absence de mouvement pendant la nuit favorise l’ankylose des articulations, et augmente par conséquent la douleur. Seul le mouvement est bénéfique. Dans cette situation, il faut bouger, ne surtout pas rester immobile, c’est le seul antidote à la douleur.
Comme les séances de kiné et les anti-inflammatoires ne parvenaient pas à me soulager, mon médecin de l’époque a fini par m’adresser à un rhumatologue qui a enfin pu poser un diagnostic sur ces douleurs articulaires omniprésentes. Aujourd’hui, je suis soigné par biothérapie, un traitement à base d’immunosuppresseurs.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de la maladie ?

Sur le coup, je me suis senti rassuré de pouvoir enfin mettre un mot sur ces douleurs, d’autant plus que le rhumatologue s’est montré plutôt confiant. Il m’a dit que je n’aurai probablement plus mal au bout d’un an. Mais quand je suis rentré chez moi, j’ai tapé spondylarthrite ankylosante sur Google et, là, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout bénin.

Vous avez vécu ensuite une phase très difficile parce qu’il vous fallait accepter, vous résigner un peu en quelque sorte, et vous l’avez refusé ?

Au début, cela a été très compliqué. J’étais conseiller en surface de vente dans un magasin de produits cosmétiques et devais donc passer des journées de huit heures debout. Au début ça allait, j’étais en pleine forme mais quasiment en un mois, je suis passé de la personne en pleine forme à celle qui ne pouvait plus marcher. J’ai subi une très grosse crise à ce moment-là et j’ai plongé dans la dépression.

Comment avez-vous remonté la pente ? Quel a été le déclic qui vous a fait réagir et décidé à vous battre ?

Dans ce que j’appellerais ma deuxième phase, celle où je me suis dit qu’il fallait vivre, c’est certainement le fait d’avoir sollicité le soutien de ma famille, de mes amis, qui m’a aidé. Et puis, je me suis « challengé », en quelque sorte. Mon passé d’ancien athlète de haut niveau m’a certainement aussi facilité ce combat. J’ai écrit ce livre comme un message d’espoir pour les gens qui, justement, n’ont pas ces facultés d’ancien sportif. Il faut réussir à se mettre dans la tête que c’est le mouvement qui
va soulager la maladie, avec le fait de réussir à trouver le bon traitement et celui d’être bien accompagné.
Quand je dis bien accompagné, je ne parle pas forcément des médecins, mais je parle aussi des personnes qui sont à côté de vous, des aidants, de votre compagne ou compagnon.

Vous expliquez qu’il y a beaucoup de gens qui ne vous croient pas. Cela doit être très difficile à vivre, de souffrir et de ne pas pouvoir faire comprendre aux autres que cette souffrance est omniprésente.

La spondylarthrite, ce n’est pas : « J’ai mal au dos, je vais me reposer et ça va aller mieux. » Les gens ont en effet des difficultés à comprendre que l’on a mal tout le temps. La douleur ne se voit pas, alors ils vont compatir pendant un certain temps… Après ils en ont assez et passent à quelqu’un d’autre. Les amis interchangeables, c’est un peu la tendance actuelle avec les réseaux sociaux.

Justement, ces réseaux sociaux peuvent quand même être utiles. Ils vous ont permis de partager votre expérience, de vous ouvrir aux autres.

C’est vrai. Il ne faut surtout pas se replier sur soi-même. J’ai créé une association, Courir contre la spondylarthrite, ainsi qu’un groupe sur Facebook, qui compte plus de 2 000 adhérents. Les échanges y sont quotidiens, entre des personnes malades et qui ne sont pas forcément comprises par leur entourage, par exemple, ou entre parents d’enfants atteints de spondylarthrite juvénile.

Vous évoquez des promenades qui vous ont fait réfléchir sur vous-même et ont fait surgir une volonté de mieux s’accepter en dépit de la maladie. C’est votre philosophie aujourd’hui ?

Oui, c’est bien ce message-là que j’ai souhaité faire passer. On peut parvenir à accepter la pathologie mais il faut réussir à trouver un équilibre entre ce que l’on peut faire et, malheureusement, ce que l’on ne peut plus faire. Il n’est pas forcément nécessaire de renoncer à certaines choses que l’on aimait bien avant mais il faut trouver un moyen de les vivre différemment, tout simplement. Les séances avec une psychologue m’ont beaucoup aidé dans ce cheminement vers une nouvelle acceptation de moi‑même. Lorsque l’on est atteint d’une pathologie comme la mienne, il est important d’avoir un soutien psychologique. C’est une erreur que de s’en priver. La maladie entraîne un changement de vie radical. On ne peut pas tout de suite avoir les clés, cela peut prendre du temps. Dans mon cas, il a fallu plusieurs années. Il faut trouver le bon équilibre entre le traitement, la médecine traditionnelle, l’entourage et tout ce qui peut nous aider à côté, c’est-à-dire des médecines « parallèles » comme l’hypnose, la sophrologie, etc. Je me suis formé à cette dernière. Cette méthode m’a aidé à me relever, particulièrement pendant la période où je n’étais pas bien. Je regrette qu’en France, il n’y ait pas de prise en charge globale du bien-être du patient.

À travers l’association que vous avez créée, orientez-vous
les gens vers des médecines complémentaires ?

Sur la page de l’association, nous prodiguons beaucoup de conseils. On réalise toutes les semaines des fiches pratiques qui expliquent, par exemple, de quelle façon la maladie peut engendrer la dépression ou la fatigue chronique, comment reconnaître les symptômes et se faire aider. C’est de l’interaction aussi, les gens posent des questions, discutent entre eux. Le livre, quant à lui, va plus loin, il s’adresse à tout le monde afin de faire comprendre le quotidien d’une personne touchée par une « spondy ». Les gens qui souffrent de cette maladie vont évidemment se reconnaître mais j’ai fait exprès de détailler vraiment pour que les proches et les autres, y compris certains médecins, se rendent mieux compte de ce que la maladie représente au quotidien.

© C i E M / Propos recueillis par Isabelle Coston