Marc Beaussier : « La crise du coronavirus a créé un véritable élan de solidarité entre les soignants »
Chef du département d’anesthésie à l’Institut mutualiste Montsouris (IMM) et président de la commission médicale d’établissement (CME)
À l’Institut mutualiste Montsouris (IMM), la prise en charge des patients Covid-19 a bousculé les rapports entre les professionnels de santé. Le professeur Marc Beaussier, chef du département d’anesthésie, qui a assuré la mission de directeur médical de crise pendant l’épidémie, revient pour nous sur cette période inédite.
En quoi consiste le rôle de directeur médical de crise que vous avez tenu pendant l’épidémie ?
Pr Marc Beaussier. Ma mission a consisté à piloter la réorganisation de l’hôpital avec la direction pour faire face à l’afflux de patients Covid-19. Nous avons arrêté notre activité chirurgicale conventionnelle et transformé deux étages en unités Covid. Nous avons aussi créé un nouveau service de réanimation en lieu et place de l’unité de soins intensifs de cardiologie. Cela a permis de doubler nos capacités d’accueil en réanimation pour arriver à 45 lits. Enfin, le bloc opératoire a été segmenté entre un secteur Covid pour la chirurgie de ces malades et un secteur non-Covid dans lequel nous avons continué à prendre en charge les autres patients prioritaires, par exemple en urgence cardiovasculaire ou cancéreuse, qui ne pouvaient pas attendre avant d’être opérés.
Une telle réorganisation induit forcément un bouleversement des rôles au sein de l’hôpital. Comment cela s’est passé à l’IMM ?
Certains professionnels sont sortis de leurs missions habituelles pour venir prêter main-forte. De nombreux chirurgiens, contraints de fermer leurs services ou de réduire leur activité, sont venus nous aider pour assurer les visites de médecine destinées aux patients Covid. Ils ont travaillé en binôme avec des médecins spécialisés. D’autres ont assuré des missions d’aide-soignants, et de brancardiers ou ont effectué des prélèvements et des tests PCR. Autre exemple avec les anesthésistes : certains, qui n’avaient pas fait de réanimation depuis longtemps, ont tout de même travaillé en collaboration avec les infirmières de réa pour créer et superviser le nouveau service de façon tout à fait efficace. Les équipes ont donc œuvré de manière très rapprochée, permettant de créer une belle cohésion entre les soignants. Les chirurgiens ont vécu au plus près tous les aspects de la prise en charge médicale. Cette période a ainsi favorisé le partage de compétences et amélioré le regard porté par chacun sur les autres métiers du soin.
Peut-on dire que certains métiers, jusque-là invisibles, sont devenus visibles ?
Sans être totalement invisibles, certains métiers n’étaient en effet visibles que par une petite partie des soignants. Je pense par exemple à l’équipe mobile de soins palliatifs sur laquelle nous nous sommes beaucoup appuyés pour accompagner les patients qui n’auraient pas pu supporter la réanimation. Cette équipe s’est très fortement mobilisée pour aider les soignants et les familles. À l’heure qu’il est, à l’IMM, plus personne n’ignore la présence de ces professionnels et leur importance dans la prise en charge.
Que retenez-vous de cette période ?
Elle nous a mis face à trois défis qu’il a fallu relever rapidement. Le premier était de continuer à assurer notre mission de service public. Même si l’IMM est un établissement privé (à but non lucratif), nous faisons partie du service public. Nous avons donc aidé les autorités de santé à prendre en charge les patients Covid dans de bonnes conditions. Pour autant, et ce fut notre deuxième défi, nous avons continué d’opérer les autres patients urgents. Enfin, troisième défi relevé, nous avons réussi à mettre très rapidement en place les procédures pour minimiser les risques pour nos personnels. À ce jour, nous avons pu accueillir 250 patients Covid, avec un taux de mortalité en réanimation plutôt faible (de l’ordre de 10 %).
Et puis, je retiens évidemment ce formidable élan de solidarité entre soignants. Il y aura, c’est évident, un avant et un après Covid. Je pense aussi que cette crise a aidé certains d’entre nous à retrouver le sens initial de leur vocation et de leur investissement dans leur métier.
© C i E M / Delphine DELARUE