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Ségur de la santé : bilan et perspectives

La crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière le travail indispensable des professionnels de santé et a décidé le gouvernement à travailler à un plan « massif » pour l’hôpital. La grande concertation, baptisée « Ségur de la santé », a abouti à des propositions pour améliorer le fonctionnement et l’organisation du système de soins.

Confrontés au manque de personnel et de moyens, les soignants alertent depuis plusieurs années les pouvoirs publics sur la situation du système de soins français. En pleine crise du coronavirus, le président Emmanuel Macron a enfin annoncé vouloir mettre en œuvre un plan « massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » du secteur hospitalier. Entre le 25 mai et le 10 juillet, une grande concertation s’est donc déroulée au sein du ministère de la Santé, avenue de Ségur, à Paris. Animée par Nicole Notat, ex-secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), elle a réuni tous les représentants du système de santé autour de quatre piliers : « Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent, définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins, simplifier les organisations et le quotidien des équipes, et fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers. » Au total, ce sont 100 réunions bilatérales et 200 réunions territoriales qui ont été organisées et 118 407 professionnels de santé et du médico-social qui ont participé à une consultation en ligne.

Des accords salariaux « historiques »

Première étape du Ségur de la santé, des accords sur les carrières, les métiers et les rémunérations ont été signés à l’hôtel de Matignon le 13 juillet par une majorité des organisations syndicales des professions médicales et non médicales. Qualifiés « d’historiques » par le gouvernement, ils allouent 8,2 milliards d’euros aux revalorisations salariales. Ils prévoient notamment une hausse minimum de salaire de 183 euros net pour l’ensemble des personnels hospitaliers paramédicaux (infirmiers, aides-soignants) et non médicaux (agents techniques et administratifs) des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics ; une révision des grilles de salaires pour certains métiers, de l’ordre de 35 euros nets mensuels en moyenne ; 15 000 recrutements dans l’hôpital public ; de nouvelles majorations pour les heures supplémentaires, le travail de nuit,
le dimanche et les jours fériés ; 450 millions d’euros pour revaloriser l’indemnité versée aux médecins du public ; 200 millions d’euros pour les internes et les étudiants en médecine.

33 mesures pour moderniser le système

Le Ségur s’est poursuivi, le 21 juillet, par une seconde étape portant sur les trois autres volets : investissement, gouvernance et organisation territoriale. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a donc présenté 33 mesures issues des concertations et du rapport rédigé par Nicole Notat. « Les conclusions du Ségur de la santé, qui doivent contribuer à accélérer les transformations engagées par Ma Santé 2022, seront notre boussole pour relever les défis d’une nation qui conjugue les solidarités et la santé à ses valeurs fondamentales », a-t-il indiqué. Parmi les mesures emblématiques, il veut accélérer la sortie du « tout T2A ». Mise en place depuis 2004, la tarification à l’activité est particulièrement critiquée. Cette méthode de financement indexe les ressources des établissements de santé en fonction des actes qu’ils effectuent. Elle pourra être remplacée par un modèle mixte fondé « sur les besoins de santé des populations du territoire (dotation populationnelle) complétée d’une part à l’activité et à la qualité des soins ».

Autre changement de taille, la création de 4 000 lits « à la demande » dans les hôpitaux. Une enveloppe de 50 millions d’euros permettra ainsi de « prévoir l’ouverture ou la réouverture de lits dans les structures selon les besoins » pour que les établissements puissent « s’adapter à la suractivité saisonnière ou épidémique », a précisé le ministre. Cette proposition tombe à pic : les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiés le
3 juillet, révélaient que 4 195 lits avaient été fermés en 2018.

La télémédecine vouée à durer

Pour améliorer la gouvernance, la recommandation de mieux associer les soignants et les usagers à la vie de l’hôpital a été suivie. Les décisions relevant du domaine médical seront prises conjointement par le directeur général de l’établissement et le président de la commission médicale d’établissement (CME). La place des représentants des patients devra quant à elle être définie dans le règlement intérieur de chaque établissement.

Enfin, concernant le dernier volet, celui de l’organisation territoriale, le développement de la télésanté a particulièrement retenu l’attention. « Nous avons fait un pas de géant pendant la crise [de la Covid-19, NDLR], en prenant un certain nombre de dérogations, a constaté le ministre de la Santé. Et nous avons eu une explosion de la télémédecine sans avoir une dérégulation à tous crins. C’est pourquoi j’ai, par décret, prolongé l’essentiel de ces dérogations. » Les dispositifs qui facilitent la mise en œuvre de la téléconsultation, comme celui qui permet de consulter à distance un médecin même si on ne l’a pas rencontré physiquement au préalable, seront donc maintenus.

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La Mutualité veut aller plus loin

La Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), qui a participé aux débats en tant que premier acteur de santé du secteur privé non lucratif, salue « la qualité des travaux ». Elle souhaite toutefois amplifier les transformations à venir et demande notamment « une nouvelle coordination de la médecine de ville et une accélération des coopérations ville-hôpital ». Elle propose également « de conforter les compétences des agences régionales de santé (ARS) sur deux missions : la sécurité sanitaire et la régulation de l’offre » de soins. Enfin, la FNMF souhaite voir se développer « une réelle culture de la santé publique et des réflexes de prévention au sein des institutions tout comme chez les ­citoyens » et ce, « pour aider tous les Français à vivre en bonne santé le plus longtemps possible ».