Fin de vie : deux enjeux au cœur du projet de loi
Le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté le 10 avril en Conseil des ministres, met l’accent sur deux points : l’instauration d’une aide à mourir et l’amélioration des soins palliatifs.
Le projet de loi sur la fin de vie, a été présenté en Conseil des ministres mercredi 10 avril, et sera débattu à compter du 27 mai à l’Assemblée nationale. Si certains pays voisins comme la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne ou la Suisse ont déjà autorisé l’euthanasie ou le suicide assisté, la France tardait à légiférer sur la question. Ce sera bientôt chose faite. Outre un meilleur accès aux soins palliatifs, le projet de loi pose surtout un cadre légal à l’euthanasie et au suicide assisté.
Entre solidarité et autonomie
La loi Cleays-Leonetti, datée de 2016, avait rendu possible la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Elle avait également renforcé le droit d’accès aux soins palliatifs pour les malades. Malgré ces avancées, les questions de l’aide active à mourir et de l’euthanasie restaient posées.
En 2022, un avis émis par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) estimait « qu’il existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». Il appelait aussi de ses vœux l’organisation d’un débat national sur le sujet. Dans la foulée, une convention citoyenne s’était tenue, de décembre 2022 à avril 2023. Le rapport remis à l’issue de ces quatre mois de travaux concluait à la mise en place du suicide assisté et à l’euthanasie, mais sous conditions strictes, avec l’aval du patient et en s’assurant de son discernement.
L’exposé des motifs du projet de loi, présenté la semaine dernière, met en avant le double enjeu du texte. « Ces constats et ces revendications sociétales, […] appellent une réponse qui implique de concilier notre devoir de solidarité envers les personnes les plus vulnérables d’une part, […] et le respect de l’autonomie de la personne d’autre part, en ouvrant la possibilité d’accéder à une aide à mourir, sous certaines conditions strictes, afin de pouvoir traiter les situations de souffrance que rencontrent certaines personnes dont le pronostic vital est engagé de manière irrémédiable », a indiqué Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Un plan décennal pour les soins palliatifs
Ce nouveau projet de loi est axé sur le développement des soins palliatifs. Il s’articule autour de cinq points essentiels. La création de maisons d’accompagnement pour les personnes gravement malades, ainsi que d’une filière universitaire spécialisée sur la question, d’abord. L’accent est ensuite mis sur le maillage territorial, avec notamment l’ouverture d’une unité de soins palliatifs pédiatrique dans chaque région, d’une unité de soins palliatifs adulte dans chaque département et le développement d’équipes mobiles territoriales spécialisées.
Un nouveau plan décennal de la filière de soins palliatifs prévoit ainsi l’ajout de 1,1 milliard d’euros en dix ans sur la question, portant l’enveloppe consacrée à 2,7 milliards d’ici 2034.
Cinq conditions pour l’aide à mourir
Pour ce qui est de l’aide à mourir, cinq conditions seront à respecter : être majeur, être né en France ou résidant de longue date, être atteint d’une maladie incurable, avoir toutes ses facultés mentales, subir une douleur jugée insupportable et un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. De plus, la demande devra être formulée par le patient à son médecin. Ce dernier se prononcera sur la validité de la demande en consultant un infirmier et un collègue spécialiste. Si la demande est acceptée, un délai de réflexion obligatoire devra être observé par le patient, l’accord du médecin restant valable trois mois. L’aide à mourir sera prise en charge par l’Assurance maladie.
Si la volonté du patient est claire, la nouvelle loi permettra ainsi d’« accompagner la mise à disposition à une personne qui le demande d’une substance létale, pour qu’elle se l’administre elle-même ou, si elle n’en est pas capable, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier, un proche ou une personne volontaire de son choix ».
Les médecins perplexes ; les associations se félicitent
Ces conditions et ce processus ne suffisent pas à rassurer la communauté médicale. Le Conseil national de l’Ordre des médecins reste perplexe face à certains points du texte. Il rappelle que l’article 38 du code de déontologie médicale indique que « le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments », et qu’« il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». L’Ordre se dit « défavorable à la participation active du médecin lors de la prise du produit létal par le patient », estimant que la loi « devra protéger le médecin qui participerait à la procédure ».
De son côté, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) salue le texte. « C’est un premier pas en direction d’un nouveau droit en fin de vie qui se dessine », estime-t-elle. Puis de nuancer : « Certes, l’adoption de ce texte n’est que le point de départ du travail important que les parlementaires auront à accomplir pour que ce texte n’oublie personne, et notamment les personnes atteintes de maladies neurodégénératives. »
© CIEM / Mathieu Yerle